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et la densité constante ; c'est l'inverse dans la théorie de Fresnel. Cette variabilité de l'élasticité donne lieu a une difficulté qui est spéciale a la théorie de Neumann et de Mac-Cullagh. La pres- sion de l'éther dans l'état d'équilibre ne peut être nulle, ce que l'autre hypothèse aurait permis de supposer. Elle ne peut non plus être constante, elle doit dépendre de K, et, par conséquent, elle n'est pas la même dans deux milieux différents. Pour que l'équilibre se maintienne malgré cette différence de pression, il faut admettre qu'à la surface de séparation de deux milieux, l'éther est soumis à une force particulière qui rappellerait dans une certaine mesure la capillarité des liquides. C'est ce qu'on appelle la « force de Kirchhoff ». On peut échapper à cette hypothèse supplémentaire, qui n'est d'ailleurs pas très gênante, en adoptant les idées de lord Kelvin sur l'élasticité. L'axe d'une toupie en rotation tend a rester dans la position verticale ; si on l'en écarte, il décrira un petit cône autour de la verticale, comme le fait le fil d'un pendule conique sous l'in- fluence de la pesanteur qui tend à le ramener à sa position d'équi- libre. Pour un observateur qui ignorerait son mouvement de rotation, la toupie semblerait obéir à une sorte de force élastique. On peut imaginer des appareils plus compliqués qui reproduisent plus exactement encore les propriétés des corps élastiques et c'est ce qu'a fait Lord Kelvin. Supposons des systèmes articulés dont certaines pièces, jouant le rôle de gyrostats, sont animées d'une rotation rapide. Dans ces systèmes, aucune force n'est en jeu ; et pourtant ils se comporteront comme s'ils étaient doués d'élasticité. En apparence, on peut y emmagasiner de l'énergie potentielle ; mais ils ne possèdent, en réalité, que de l'énergie cinétique. On peut donc se demander si l'éther n'est pas cons- titué de la sorte ; si un observateur, disposant de moyens assez puissants pour pénétrer toutes les délicatesses de sa structure intime, ne découvrirait pas que toute son énergie est due à la force vive des tourbillons infinitésimaux qui y sont renfermés. Son élasticité, que la théorie ordinaire explique par des attractions à distance s'exerçant entre, les molécules, serait due alors à de simples forces apparentes d'inertie, analogues dans une certaine mesure à la force centrifuge.