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Entre toutes ces explications possibles, comment faire un choix pour lequel le secours de l’expérience nous fait défaut ? Un jour viendra peut-être où les physiciens se désintéresseront de ces questions, inaccessibles aux méthodes positives et les abandonneront aux métaphysiciens. Ce jour n’est pas venu ; l’homme ne se résigne pas si aisément à ignorer éternellement le fond des choses.

Notre choix ne peut donc plus être guidé que par des considérations ou la part de l’appréciation personnelle est très grande ; il y a cependant des solutions que tout le monde rejettera à cause de leur bizarrerie et d’autres que tout le monde préfèrera à cause de leur simplicité.

En ce qui concerne l’électricité et le magnétisme, Maxwell s’abstient de faire aucun choix. Ce n’est pas qu’il dédaigne systématiquement tout ce que ne peuvent atteindre les méthodes positives ; le temps qu’il a consacré à la théorie cinétique des gaz en fait suffisamment foi. J’ajouterai que si dans son grand ouvrage, il ne développe aucune explication complète, il avait antérieurement tenté d’en donner une dans un article du Philosophical Magazine. L’étrangeté et la complication des hypothèses qu’il avait été obligé de faire, l’avaient amené ensuite à y renoncer.

Le même esprit se retrouve dans tout l’ouvrage. Ce qu’il y a d’essentiel, c’est-à-dire ce qui doit rester commun à toutes les théories est mis en lumière ; tout ce qui ne conviendrait qu’à une théorie particulière est presque toujours passé sous silence. Le lecteur se trouve ainsi en présence d’une forme presque vide de matière qu’il est d’abord tenté de prendre pour une ombre fugitive et insaisissable. Mais les efforts auxquels il est ainsi condamné le forcent à penser et il finit par comprendre ce qu’il y avait souvent d’un peu artificiel dans les ensembles théoriques qu’il admirait autrefois.

C’est en électrostatique que ma tâche a été le plus difficile ; c’est là surtout en effet que la précision fait défaut. Un des savants français qui ont le plus approfondi l’œuvre de Maxwell me disait un jour : « Je comprends tout dans son livre, excepté ce que c’est qu’une boule électrisée. » Aussi ai-je cru devoir