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une autre matière, la seule véritable à ses yeux, qui n’aura plus que des qualités purement géométriques et dont les atomes ne seront plus que des points mathématiques soumis aux seules lois de la Dynamique. Et pourtant ces atomes indivisibles et sans couleur, il cherchera, par une inconsciente contradiction, à se les représenter et par conséquent à les rapprocher le plus possible de la matière vulgaire.

C’est alors seulement qu’il sera pleinement satisfait et s’imaginera avoir pénétré le secret de l’Univers. Si cette satisfaction est trompeuse, il n’en est pas moins pénible d’y renoncer.

Ainsi, en ouvrant Maxwell, un Français s’attend à y trouver un ensemble théorique aussi logique et aussi précis que l’Optique physique fondée sur l’hypothèse de l’éther ; il se prépare ainsi une déception que je voudrais éviter au lecteur en l’avertissant tout de suite de ce qu’il doit chercher dans Maxwell et de ce qu’il n’y saurait trouver.

Maxwell ne donne pas une explication mécanique de l’électricité et du magnétisme ; il se borne à démontrer que cette explication est possible.

Il montre également que les phénomènes optiques ne sont qu’un cas particulier des phénomènes électromagnétiques. De toute théorie de l’électricité, on pourra donc déduire immédiatement une théorie de la lumière.

La réciproque n’est malheureusement pas vraie ; d’une explication complète de la lumière, il n’est pas toujours aisé de tirer une explication complète des phénomènes électriques. Cela n’est pas facile, en particulier, si l’on veut partir de la théorie de Fresnel ; cela ne serait sans doute pas impossible ; mais on n’en arrive pas moins à se demander si l’on ne va pas être forcé de renoncer à d’admirables résultats que l’on croyait définitivement acquis. Cela semble un pas en arrière ; et beaucoup de bons esprits ne veulent pas s’y résigner.

Quand le lecteur aura consenti à borner ainsi ses espérances, il se heurtera encore à d’autres difficultés ; le savant anglais ne cherche pas à construire un édifice unique, définitif et bien ordonné, il semble plutôt qu’il élève un grand nombre de constructions provisoires et indépendantes, entre lesquelles les communications sont difficiles et quelquefois impossibles.