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même très probable qu’elles précèdent l’époque de la préparation directe à ce gros in-4, dont le scandale fut énorme. Selon toute vraisemblance, elles appartiennent à cette période de la vie d’Helvetius (1738-1748) où il se cherche et se trouve.

En effet, nous sommes bien en présence du poète philosophe qui confiait ses premières ébauches à Voltaire. Précisément, il consigne, dans ces Notes, un projet d’épitre à Voltaire et les thèmes généraux de ses premières dissertations en vers ; on y reconnaît sans peine les conceptions les plus importantes et jusqu’à certaines expressions de l’Épitre sur l’Amour de l’Etude, de l’Epître sur l’Orgueil et la Paresse de l’Esprit, du Ier Chant du Bonheur, etc… Or, nous savons qu’Helvetius abandonna assez tôt la poésie pour se livrer tout entier à ses travaux philosophiques[1]. Les Notes de la main d’Helvetius portent des traces évidentes de ses préoccupations poétiques. Il mentionne un sujet de tragédie, il réfléchit sur le genre épique, il formule un idéal de poésie philosophique. Par exemple : « On n’a point d’idée de la poésie, elle consiste dans la vive, forte ou gracieuse image d’une vérité dite avec harmonie et énergie » et ailleurs : « Que mon vers soit chargé de pensée », etc.

Les Notes nous mettent donc en rapport direct avec un auteur déjà formé, malgré son goût juvénile pour les métaphores et les redondances, qui accumule les idées, les observations, les matériaux les plus variés pour s’en servir à l’occasion. J’ai étudié ces Notes dans Helvetius, Sa Vie et son Œuvre[2], en montrant qu’elles sont des plus utiles à connaître si l’on tient à interpréter équitablement sa doctrine et sa manière. Elles nous révèlent, en effet, un encyclo-

  1. Dans sa dernière lettre à Voltaire datée de quelques mois avant sa mort, Helvetius disait qu’il avait cessé de travailler à son livre de l’Homme et voulait reprendre son poème du Bonheur, auquel, d’après l’avertissement qui précède sa correspondance (Didot, t. XIII, p. 130), « il avait renoncé dès l’âge de 25 ans pour se livrer tout entier à la philosophie ». En réalité, dans sa lettre à Voltaire (15 oct. 1771, t. XIV, p. 10), Helvetius écrivait : « J’ai repris le goût des vers pour lesquels vous m’aviez si fort passionné il y a vingt-cinq ans, et plus. » D’après Grimm, Helvetius lisait son poème du Bonheur en 1755.
  2. Chap. ix}, p. 131 à 148.