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de la composition.

d’habileté technique, ont adopté cette tendance sentimentale vers ce qui ne peut être représenté que par la poésie. Les sujets étaient, pour la plupart, empruntés aux poésies de Goethe ou de Shakespeare, de l’Arioste ou du Tasse. Il s’agissait principalement de l’amour comme sentiment intime. Les principaux tableaux représentaient, par exemple, Roméo et Juliette, Renaud et Armide, sans situation plus précise. De sorte que ces amants ne font et n’expriment rien autre chose que de s’aimer mutuellement, de se rapprocher l’un de l’autre, de se regarder et de se contempler amoureusement. Dès-lors, l’expression principale se concentre dans la bouche et dans les yeux ; et, en particulier, Renaud, avec ses longues jambes, dont il ne sait que faire, a une attitude passablement gauche. Aussi ce grand corps est-il tout-à-fait insignifiant. La sculpture, comme nous l’avons vu, est privée de l’œil et du regard de l’ame. La peinture, au contraire, s’empare de ce riche moyen d’expression ; mais elle ne doit pas se concentrer dans ce point, vouloir faire du feu qui brille dans le regard, de la langueur ou du désir qui se peignent dans l’œil, de la douce bienveillance de la bouche, le caractère principal de l’expression, sans autre motif. Du même genre était aussi le pêcheur de Hübner dont le sujet était tiré de la pièce de vers bien connue de Goëthe, où il décrit l’aspiration vague vers le calme, la fraîcheur et la pureté des eaux, avec une si merveilleuse profondeur et grâce de sentiment. Le