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peinture.

ne veut pas détruire entièrement l’art de la peinture. En second lieu, le dessin se laisse, moins que la perspective linéaire, ramener à des lois générales. Mais surtout le coloris, le sens des couleurs, doit être un talent artistique, un mode particulier de voir et de concevoir les tons des couleurs réelles, c’est un côté essentiel de l’imagination reproductive et de la faculté d’invention. À cause de ce ton tout personnel de la couleur avec lequel l’artiste voit son monde à lui, et qu’il transporte dans sa composition, la grande diversité du coloris n’est nullement reflet d’un simple caprice, ni un mode favori de coloration qui ne soit pas donné tel in rerum natura ; elle réside dans la nature de la chose même. Aussi, Goëthe raconte (Dichtung und Wahreit’') l’exemple suivant qui a trait à ce sujet : « Lorsque, après une visite à la galerie de Dresde, je rentrai, pour dîner, chez mon cordonnier (chez lequel il s’était logé par fantaisie), j’en croyais à peine mes yeux, car il me semblait avoir devant moi un tableau d’Ostade, d’une si parfaite vérité, qu’il n’y manquait que d’être placé dans la galerie. La position des objets, la lumière et les ombres, la teinte brunâtre de l’ensemble, tout ce qu’on admire dans ces chefs-d’œuvre, je le voyais en réalité. C’était la première fois que m’était révélée, à un tel degré, cette faculté, que j’exerçai sciemment ensuite, de voir la nature avec les yeux de tel ou tel artiste, aux ouvrages duquel j’avais pu donner une attention toute particulière.