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peinture.

fugitif qu’emporte. Mais c’est la musique qui, seule y va jusqu’à cette négation complète de l’étendue, et consomme cette transformation progressive. La peinture, au contraire, laisse encore subsister l’étendue ; elle efface seulement une des trois dimensions ; de sorte qu’elle prend pour élément de ses représentations, la surface. Cette réduction du solide à la surface, est une conséquence du principe de la concentration de l’ame en elle-même ; celle-ci ne peut se manifester dans le monde extérieur avec ce caractère de concentration intérieure, qu’autant que l’art ne conserve pas à la matière son étendue totale, et qu’il restreint ses dimensions.

On est communément porté à croire que cette réduction est arbitraire dans la peinture, et que, partant, c’est chez elle un défaut. Cet art ne veut-il pas, en effet, nous mettre sous les yeux les objets de la nature dans leur réalité parfaite, ou représenter les conceptions de l’esprit et les sentiments de l’ame par l’intermédiaire du corps humain, de son extérieur et de ses gestes ? Or, pour ce but, la surface est insuffisante, elle reste en arrière de la nature, qui opère avec une toute autre perfection. —

Sans doute, la peinture, sous le rapport de l’étendue matérielle, est encore plus abstraite que la sculpture ; mais cette abstraction, bien loin d’être une limitation simplement arbitraire, ou une imperfection des moyens humains vis-à-vis de la nature et de ses productions, constitue précisément le progrès