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Il est heureux, Messieurs, qu’on ne puisse imputer au monarque ces proscriptions, que les circonstances rendent encore plus criminelles. Personne n’ignore aujourd’hui que les arrêts du Conseil sont des faux éternels où les ministres se permettent d’apposer le sceau du roi : on ne prend pas même la peine de déguiser cette étrange malversation. Tant il est vrai que nous en sommes au point où les formes les plus despotiques marchent aussi rondement qu’une administration légale !

Vingt-cinq millions de voix réclament la liberté de la presse ; la nation et le roi demandent unanimement le concours de toutes les lumières : eh bien ! c’est alors, qu’après nous avoir leurrés d’une tolérance illusoire et perfide, un ministère soi-disant populaire ose effrontément mettre le scellé sur nos pensées, privilégier le trafic du mensonge, et traiter comme objet de contrebande l’indispensable exportation de la vérité.

Mais de quel prétexte a-t-on du moins essayé de colorer l’incroyable publicité de l’arrêt du Conseil du 7 mai ? A-t-on cru de bonne foi que des membres des États-Généraux, pour écrire à leurs commettants, fussent tenus de se soumettre aux règlements inquisitoriaux de la librairie ? Est-il dans ce moment un seul individu à qui cette ridicule assertion puisse en imposer ? N’est-il pas évident que ces arrêts proscripteurs sont un crime public, dont les coupables auteurs, punissables dans les tribunaux judiciaires, seront bien forcés, dans tous les cas, d’en rendre compte au tribunal de la nation ? Eh la nation entière n’est-elle pas insultée dans le premier de ces arrêts, où l’on fait dire à Sa Majesté qu’elle attend les observations des États-généraux : comme si les États-généraux n’avaient d’autres droits que celui de faire des observations !

Mais quel est le crime de cette feuille qu’on a cru devoir honorer d’une improbation particulière ? Ce n’est pas sans doute d’avoir persifflé le discours d’un prélat qui, dans la chaire de la vérité, s’est permis de proclamer les principes les plus faux et les plus absurdes ; ce n’est pas non plus, quoiqu’on l’ait prétendu, pour avoir parlé de la tendance de la feuille des bénéfices ; est-il personne qui ne sache et qui ne dise que la feuille des bé-