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crût le seul littérateur en France assez homme de goût pour siffler de méchants vers et des jugements ineptes.

Il est vrai que je m’amusai, il y a deux ou trois ans, à relever, soit dans les vers, soit dans la prose de ces illustres messieurs, des traits fort plaisants, qui sont devenus des exemples et même des proverbes de ridicule. Je ne suis plus maître d’empêcher que ces traits ne courent dans les cercles ou dans les écrits. Vous comprendrez que c’est beaucoup moins ma faute que celle de leurs ouvrages. En effet, suis-je coupable de ce que M. Fr… prend le taureau de Phalaris pour le lit de Procuste, etc. ; de ce qu’il change une pierre précieuse en un peuple des Indes que nul géographe ne connaît[1] ? Suis-je coupable de ce que M. Darnaud de Baculard a dit si plaisamment, dans son Épître au cul de Manon :


Ce cul divin, ce cul vainqueur,
Il a des autels dans mon cœur ?


et de ce qu’il a fait ce vers si incroyable :


Brise leur cœur navré sous la meule des maux ?


… Au lieu de jeter les yeux sur moi, on accusera bientôt, avec plus de vraisemblance, Quintilien, Aristote, Longin et Boileau d’avoir mis la main à plusieurs de vos critiques, car vous suivez, vous adoptez partout leurs vues, leurs expressions, leurs pensées, leur manière d’applaudir ou de reprendre. Il sera beau, Messieurs, qu’on vous soupçonne de pareils complices…


Enfin, Le Brun demande aux auteurs de la Renommée de leur parler avec la même franchise littéraire dont ils donnent l’exemple, et leur dit les

  1. Outre les traits décochés tout le long de la route et à tout propos à ce pauvre Fréron, trois articles lui sont spécialement consacrés dans la Renommée littéraire : Bévues énormes de M. Fréron sur un trait d’histoire ; les Trente et une bévues de M. Fréron ; Lettre d’un écolier de quatrième à M. Fréron. « On y prouve (je copie) que M. Fréron, en voulant montrer le grec à Boileau, sur cinq mots grecs n’a fait que six fautes. »