Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/445

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en ignorons la destinée, et, dans tous les cas, il ne dut pas franchir aisément les frontières de la France. On en jugera par quelques extraits de son programme.


L’opinion publique est la source de tous les maux, de tous les abus, de tous les crimes, qui désolent aujourd’hui l’humanité dans les quatre parties du monde ; c’est un mélange monstrueux de préjugés, d’erreurs et de superstitions, au torrent desquels rien ne peut résister. Tout est fondé sur cette malheureuse chimère, qui n’est elle-même fondée sur rien. Si les hommes sont partout écrasés sous le poids du despotisme et de l’anarchie, s’ils sont partout esclaves des tyrans et des prêtres, si partout ils sont les victimes de la violence ou de la ruse, c’est l’opinion publique qui les subjugue, c’est elle qui les entraîne, c’est elle qui leur tient lieu d’expérience, de raison et de conscience.

Pourquoi l’opinion publique a-t-elle une si prodigieuse influence sur les esprits ? C’est qu’on ne permet point à l’homme de raisonner ; c’est qu’il ignore les premiers principes du droit naturel ; c’est qu’il méconnaît ses droits et ses devoirs ; c’est qu’il ne sait ni ce qui lui est utile, ni ce qui lui est nuisible, et qu’à cet égard il est obligé de s’en rapporter à ceux qui le gouvernent.

On ne peut donc soustraire l’homme aux prestiges de l’opinion publique qu’en lui apprenant à s’en passer, qu’en rétablissant le tribunal de sa conscience, qu’en lui faisant connaître la règle éternelle de ses actions, qu’en lui donnant une notion si juste, si simple, si évidente, des principes de la morale, que, pour les appliquer à tous les cas possibles, il n’ait besoin de consulter que sa propre raison.

Tel est le but que nous nous proposons dans ce journal. Dût-on taxer notre entreprise de témérité, nous avouerons sans déguisement que notre objet est de redresser l’opinion publique en la subordonnant aux maximes fondamentales du droit naturel. Oui, notre intention est de développer à l’homme une morale si conforme à ses vrais intérêts qu’il ne voie plus rien d’utile que ce