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sont pas des juges, dit-il tristement en rentrant dans sa prison ; ce sont des tigres ! »


Comme leur auteur, les Annales ont été très-diversement appréciées ; on s’accorde à dire cependant qu’elles sont au-dessous du bruit qu’elles ont fait.

« Lorsqu’on a été forcé comme moi, dit Brissot dans ses Mémoires, d’analyser ce journal[1], on sait combien il répondait peu au titre fastueux que lui avait donné Linguet : Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle ! La partie politique n’était jamais qu’un réchauffé, parfois raccourci, souvent ampoulé, des événements déjà consignés dans toutes les gazettes. La partie civile offrait, avec l’histoire de quelques procès portés devant les tribunaux français, des sarcasmes longuement amplifiés contre les magistrats. La partie littéraire était encore plus insuffisante ; ce ne sont que querelles, anecdotes, diatribes, sur les académiciens et les philosophes ; d’un côté, récriminations contre les gens du barreau et du parquet ; de l’autre, contre les gens de lettres et les savants ; on voit à chaque instant percer les souvenirs des démêlés de l’auteur avec ses contemporains.

» On ne peut cependant refuser à Linguet de la chaleur dans le style, des images brillantes, du

  1. Brissot, qui fut dans sa jeunesse l’un des plus fervents adeptes de Linguet, et qui n’était revenu qu’assez difficilement de son admiration pour le célèbre avocat, avait été chargé par lui de rédiger les tables de quelques volumes des Annales. Voir au surplus, dans le tome suivant, notre article sur Brissot.