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à des paradoxes écrits au courant de la plume, et la passion seule pouvait voir dans les Annales un corps de doctrine « médité et suivi. » Linguet, soit qu’on l’envisage comme légiste ou comme économiste, est, par excellence, l’homme des contradictions. Aujourd’hui il vante les douceurs du régime asiatique, il atténue les cruautés des Césars, démontrant que « la fermeté poussée par un souverain jusqu’à la rigueur n’est jamais à charge aux peuples et qu’il y a tout bénéfice à rouvrir les sources de l’esclavage » ; demain, changeant de langage, il écrit, à propos de Joseph II : « Sans vouer à ces malheureux qu’on appelle rois une haine aveugle et indistincte, j’ai conçu pour la royauté une horreur qui ne finira qu’avec ma vie. ».

La dénonciation de M. d’Eprémesnil ne pouvait aboutir. On pensa généralement que le Parlement aurait mieux fait de ne pas compromettre sa dignité en entrant ainsi en lutte avec un simple particulier ; mais, la dénonciation ayant été admise, il devait s’en occuper sérieusement. Il paraît au contraire que les avis furent très-pusillanimes. Les uns eurent peur du vindicatif journaliste, et dirent que ce serait le moyen d’aigrir sa bile et de lui donner plus de consistance ; les autres, que ce serait l’attirer en France, puisqu’il ne manquerait pas de demander à être entendu et à plaider sa cause ; quelques-uns firent valoir la protection dont le couvrait Monsieur,