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agréables il annonçât les ouvrages nouveaux et quelquefois les écrits des artistes. La partie des sciences qui tombait sous les sens et qui, pour le public, pouvait être un objet de curiosité, était aussi de son domaine ; mais il fallait surtout qu’il eût un intérêt local et de société pour ses abonnés de province, et que le bel-esprit de telle ou de telle ville du royaume y trouvât de temps en temps son énigme, son madrigal, son épître insérée : cette partie du Mercure, la plus frivole en apparence, en était la plus lucrative.

Il eût été difficile d’imaginer un journal plus varié, plus attrayant et plus abondant en ressources. Telle fut l’idée que j’en donnai dans l’avant-propos de mon premier volume, au mois d’août 1758. « Sa forme, dis-je, le rend susceptible de tous les genres d’agrément et d’utilité ; et les talents n’ont ni fleurs ni fruits dont le Mercure ne se couronne. Littéraire, civil et politique, il extrait, il recueille, il annonce, il embrasse toutes les productions du génie et du goût ; il est comme le rendez-vous des sciences et des arts, et le canal de leur commerce… C’est un champ qui peut devenir de plus en plus fertile, et par les soins de la culture et par les richesses qu’on y répandra… Il peut être considéré comme extrait ou comme recueil : comme extrait, c’est moi qu’il regarde ; comme recueil, son succès dépend des secours que je recevrai. Dans la partie critique, l’homme estimable à qui je succède, sans oser prétendre à le remplacer, me laisse un exemple d’exactitude, et de sagesse, de candeur et d’honnêteté, que je me fais une loi de suivre… Je me propose de parler aux gens de lettres le langage de la vérité, de la décence et de l’estime ; et mon attention à relever les beautés de leurs ouvrages justifiera la liberté avec laquelle j’en observerai les défauts. Je sais mieux que personne, et je ne rougis pas de l’avouer, combien un jeune auteur est à plaindre lorsque, abandonné à l’insulte, il a assez de pudeur pour s’interdire une défense personnelle. Cet auteur, quel qu’il soit, trouvera en moi, non pas un vengeur passionné, mais, selon mes lumières, un appréciateur équitable. Une ironie, une parodie, une raillerie, ne prouve rien et n’éclaire personne ; ces traits amusent quelquefois ; ils sont