Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la mer. Les Lettres historiques et le Mercure historique, qui parurent ensuite, réussirent davantage ; on vantait les récits des Lettres et les réflexions du Mercure. Leur vogue fut partagée pendant quelque temps par l’Esprit des Cours de l’Europe. L’auteur de cette petite gazette politique, qui paraissait tous les mois à La Haye, était Gueudeville, ancien bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, venu en 1690 aux Pays-Bas, où il n’était pas regardé comme un prosélyte réformé suffisamment grave. C’est surtout la politique de la France qui faisait les frais de sa feuille. Il passait pour spirituel, et il avait la conversation agréable ; mais sa perpétuelle ironie et toute sa façon d’écrire sont une méchante caricature de la manière de Bayle dans ses Comètes. On n’est point tenté de chercher s’il y a des vues solides et du bon sens sous les interminables et graveleuses allégories qu’il entasse à tout propos[1].

Nous avons déjà parlé de la fameuse Gazette de Hollande, ce véhicule de toutes les médisances de

  1. Comme échantillon des considérations politiques de Gueudeville, on peut lire, à la date de juin 1703, les belles allusions à la politique vénitienne que lui suggère la cérémonie du mariage du doge avec la mer. En voici quelques fragments, choisis entre ceux qu’il peut être permis de glisser dans une note : « L’épouse (l’Adriatique) est toujours prête à se donner au premier venu. Je ne crois pas que le doge s’avise jamais de caresser sa chère moitié… Les Français, non moins perturbateurs du repos conjugal que de la tranquillité publique, fournissent actuellement la preuve de ce que je dis. La mariée se divertit impunément avec eux à la barbe de son époux, et le chevalier de Forbin a déjà fait, je ne sais combien de fois, le sérénissime doge cocu. Qu’il est bon, ce mari, non seulement de ne se point rebuter des fréquentes infidélités de sa femme, mais même de resserrer tous les ans avec elle le nœud de la conjonction matrimoniale ! Etc., etc. »