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il n’y en a qu’un au ciel, la loi et Dieu. Avaient-ils des grâces à obtenir, des plaintes à faire, des réparations à exiger, c’était monseigneur, qu’ils appelaient pourtant monsieur, qui était leur confident et l’arbitre de tous les amours-propres. Si Fréron jetait un peu d’encre sur le marquis de Ximenès, le marquis de Ximenès, au lieu d’en jeter beaucoup sur Fréron, adressait une épître à M. de Sartines[1] :


Depuis que j’ai eu le bonheur de vous connaître, Monsieur, j’ai toujours éprouvé vos bontés, et je ne les ai jamais implorées pour moi. L’occasion se présente de les réclamer pour moi-même, et j’espère que vous ne confondrez pas mes justes plaintes avec celles que votre place vous oblige d’entendre tous les jours. L’honneur est la seule règle que je doive respecter, et c’est lui seul qui me force à me plaindre à vous de l’impudence punissable de ce misérable Fréron, dont je me croirais assez vengé par le mépris si les personnes avec lesquelles mon état m’accoutume à vivre portaient de cet odieux fripier d’écrits le même jugement que moi. Je vous fais passer les personnalités que cet insolent ex-jésuite se permet contre moi, qui n’ai rien écrit que sous votre protection, et sans aucune espérance que celle de rendre justice aux talents qui ont mérité cette année, au Théâtre-Français, les applaudissements du public. Vous jugerez, Monsieur, s’il est convenable de laisser avilir les lettres jusqu’au point de permettre qu’on insulte impunément un homme comme moi pour avoir écrit deux pages qui sont le résultat du jugement public.

Si vous ne réprimez pas de pareilles licences, c’est vouloir interdire aux gens qui pensent la liberté d’écrire, ou exiger que

  1. Né le 26 février 1726, Ximenès mourut en 1817, doyen des colonels et des poètes français. « Avec de la naissance et une fortune plus que suffisante, dit Grimm, M. de Ximenès n’a jamais su être qu’un homme ridicule. »