Nous avons vu le directeur de la librairie assiégé par les gens de lettres, et fort empêché souvent de pacifier tous ces amours-propres insurgés. Cette intervention du magistrat dans les querelles littéraires est bien faite pour nous surprendre aujourd’hui ; mais elle semble encore plus étrange quand ce magistrat est le lieutenant de police, et que son intervention est provoquée par les écrivains eux-mêmes. Manuel a trouvé sur ce sujet, dans les archives de la police, les révélations les plus curieuses ; nous le laisserons nous les raconter dans son langage pittoresque, que nous ne ferons qu’abréger.
Le chef-d’œuvre des lieutenants de police, dit-il, c’était la foi aveugle des citoyens, qui les croyaient capables de tout voir, de tout entendre, de tout juger. Leur cabinet passait pour un tribunal ; leurs avis étaient des sentences ; leurs ordres, des décrets. C’est que nos lois étaient si mauvaises, qu’on aimait à penser qu’ils étaient meilleurs qu’elles.
Croirait-on que ce sont les hommes de lettres qui ont le plus craint la verge de la police, eux qui auraient dû, les premiers, apprendre à l’école de la raison qu’il n’y a qu’un maître sur la terre, comme