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dire, l’avait emporté chez lui sur les considérations secondaires. Mais rien n’y devait faire. Cette querelle, dont je signale seulement l’occasion et le prétexte, ne s’arrêta pas sitôt ; elle eut des suites et des ricochets sans nombre. La Harpe fut obligé de renoncer à la rédaction en chef du Mercure ; on réduisit ses honoraires à mille écus, en bornant son travail à un article de littérature et à la partie des spectacles[1].

L’irritation où cette attaque, injuste à l’origine, jeta La Harpe, s’engagea dans une série de disputes et de chamailleries indignes, où il se compromit de plus en plus. À des injures, il eut la faiblesse de répondre par d’autres injures, ce qui lui fit un tort irréparable, et lui nuisit beaucoup plus que tous les libelles dont il était assailli. « C’est une sottise inexcusable, écrit l’abhé Maury[2] ; mais il ne veut consulter personne, et, s’il écrit une seule ligne contre ses ennemis, il est perdu sans ressource. Le déchaînement du public est tel, qu’il n’est plus permis à La Harpe d’avoir raison. Je le lui ai dit avec tout le courage, et peut-être toute la brutalité de l’amitié : on le bafouera, on lui crachera au visage,

  1. Delisle de Sales assure, pour le tenir de La Harpe lui-même, que, sous sa direction, l’on tira du Mercure jusqu’à 7,000 exemplaires, ce qui suppose au moins, dit-il, 70,000 lecteurs, et qu’alors ses honoraires avaient été quadruplés. Panckoucke lui-même confirme ce chiffre de 7,000 abonnés dans une réponse qu’il faisait à des attaques de Linguet, six mois à peine après qu’il eut pris la direction du Mercure.
  2. Lettre à Dureau de la Malle, du 9 décembre 1778.