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d’œil est prompt et sûr, sa parole est rapide et vive ; il a bientôt trouvé le fort et le faible des ouvrages ; il est peu facile à éblouir, et jamais homme ne s’est mieux tenu en garde contre les étincelles du faux bel esprit et les efforts grandioses du mauvais goût. Fréron sait par cœur tous les modèles ; il en a puisé le suc de bonne heure, et, grâce à eux, il a toujours près de lui, à sa portée, une règle constante et sûre pour bien juger des ouvrages de l’esprit. Ajoutons encore que c’est Fréron qui a formulé les droits de la critique ; c’est lui qui a enseigné aux plus beaux esprits à reconnaître et à adopter ces jugements portés au nom de l’art, par des hommes qui ont consenti à ne pas être des artistes et des écrivains à condition qu’on leur permettrait de comprendre et de juger les écrivains, qui a appris aux grands hommes que c’est le droit de la critique de les citer à sa barre, et qu’un homme de goût et de style est l’égal, sinon de tous les grands écrivains, du moins de tous les grands livres… »

Palissot, qui avait été l’ami de Fréron, mais qui s’était ensuite brouillé avec lui et l’avait peu ménagé dans sa Dunciade, a tracé du célèbre critique, dans son Journal français, un portrait aussi fidèle, aussi impartial qu’il était possible de le faire alors, et que je regrette de ne pouvoir reproduire. Les torts de Fréron, dit-il en somme, appartiennent encore plus au dangereux métier de journaliste qu’au