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jeu sur les pièces de Marmontel, qui écrivait fort mal en vers, et cette critique avait le mérite piquant de s’exercer sur des ouvrages qui avaient joui d’un succès passager. Ses feuilles, d’abord sous le titre de Lettres de la Comtesse, et ensuite sous celui d’Année littéraire, eurent un débit prodigieux. Fréron gagna pendant plusieurs années plus de vingt mille livres par an. Ce n’est pas que dans le temps même de cette vogue il ait jamais bien écrit : on n’a jamais trouvé dans ses feuilles, ni cette aménité de ton qui tempère et adoucit la censure, ni cette finesse de goût qui la fait pardonner, ni ces discussions instructives, semées de principes féconds et lumineux, ni cette flexibilité de style qui se plie à tous les sujets, qui s’élève, quand il le faut, à la plus grande hauteur, et descend avec agrément jusqu’au plus frivole badinage : c’est ainsi que devrait être fait un bon journal, et j’avoue que ce ne peut jamais être l’ouvrage que d’un écrivain très-supérieur à cette besogne. Fréron, au contraire, a toujours écrit ou en homme de collége qui prodigue les figures d’une rhétorique triviale, ou en bel esprit de café qui ne connaît point la bonne plaisanterie, ou en satirique emporté qui n’a plus rien à ménager, ni pour les autres ni pour lui-même. »

Grimm aussi reproche à Fréron ce manque de formes, et il le fait, comme pour prêcher d’exemples, dans des termes qui donneront un avant-goût