Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’exprimez. L’humanité et la vérité gagnent également aux procédés obligeants.

Enfin il est faux que les journaux, s’ils ne sont pas en trop grand nombre, fassent un tort aux bonnes études. Outre que, par ce moyen, nous connaissons tous les livres rares et singuliers qui s’impriment en Europe, il y a un raisonnement bien simple à faire : ou les journaux sont bons, et de quelle ressource pour l’instruction ne sont-ils pas à ceux que le défaut de temps ou de génie écarte des études sérieuses ! ou ils sont mauvais, et leur décri assez connu les rends nuls, et oblige de recourir à des sources plus abondantes et moins suspectes. Avant cet établissement, les bons ouvrages n’étaient connus et lus que des véritables savants. Aujourd’hui les gens habiles ou curieux de le devenir ne les étudient pas moins ; les autres, en très-grand nombre, ont la facilité d’apprendre les particularités les plus importantes de la littérature, et de s’en procurer une connaissance qui, quoique superficielle, est bien supérieure à l’ignorance où l’on était auparavant comme obligé de vivre.

Les promesses d’un littérateur qui entreprend un journal sont ordinairement impartialité, équité, réserve dans les jugements, attention à ne critiquer qu’à propos, à louer plus volontiers, quoique sobrement, fidélité dans les extraits, recherche des nouveautés les plus intéressantes : tels sont les engagements qu’il contracte avec le public dans le premier moment de cette opération littéraire. En effet, qui se fit jamais journaliste pour ériger une boutique de scandale, comme dit Rousseau ! Lisez toutes les préfaces des journaux : leurs auteurs furent les plus honnêtes gens et les plus aimables littérateurs du monde. Comment arrive-t-il qu’on se plaint d’eux avant même la fin de leur premier semestre. Beaucoup de causes, indépendamment des révolutions imprévues et des frottements de la matière, comme on dit en mécanique, contribuent à ces catastrophes. On ne raisonne point sur les pensées des autres, sans révolter leur amour-propre si l’on ne les approuve pas en tout, sans paraître un fade adulateur si l’on paraît d’accord avec eux, enfin sans ennuyer le public si l’on se contente de la fonction der apporteur. On ne lit guère les jour-