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« Il est certain que M. de Meaux tourne les choses d’une manière fort délicate, qu’il évite fort adroitement les endroits scabreux, et que l’air honnête, la modestie et l’art de paraître ingénu qui règnent dans ses ouvrages, peuvent rendre beaucoup de services à la cause qu’il soutient. »

N’oublions pas que Bayle, en s’exprimant ainsi, parlait d’un de ses plus redoutables adversaires, et chaque fois que la théologie reparaît, on sent renaître en lui l’esprit curieux et contradicteur, sa critique redevient plus pénétrante et plus hardie. C’est que pour lui la question religieuse domine toutes les autres, et, quelque bonne volonté qu’il ait de demeurer impartial, il ne sait pourtant pas toujours se défendre des préventions de parti. « Bayle, remarque Arnauld[1], avait déclaré qu’il ne prendrait point de parti sur les livres de religion et qu’il se contenterait d’être historien ; mais il a fait tout le contraire : il fait valoir les livres des hérétiques, dont la plupart ne seraient pas connus sans ce qu’il en dit ; il a une adresse maligne pour ôter, autant qu’il peut, toute la force à ceux des catholiques ; il donne souvent de grands éloges à des livres contraires aux bonnes mœurs : de sorte que c’est un grand défaut de police de souffrir que cela se vende dans des pays catholiques. » Si Bayle n’était pas toujours parfaitement impartial, ses ennemis, on

  1. Tome vi de ses Lettres.