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du monde, en s’attribuant tout le produit du travail de l’homme de campagne, en mettant tout le poids des impositions sur les subsistances de premier besoin, en les étendant jusqu’aux végétaux les plus vils. En vain la mer et les rivières nous offrent gratuitement une nourriture abondante qui ne coûte point de culture : pour qui sont-elles si libérales, si ce n’est encore pour un petit nombre d’hommes assez riches ou assez sensuels pour se procurer leurs productions au prix qu’il plaît au fisc d’y mettre ?] La mer a beau être féconde : une poignée d’hommes a réglé que vous ne mangerez jamais que le rebut du matelot, et vous le payerez relativement aussi cher que le riche paye l’esturgeon, parce que le résultat du luxe est d’être expié par le pauvre. Toutes les conditions bornées ignorent jusqu’à l’abondance physique, dont elles ne profitent jamais. Voilà donc le tableau que la nature et la société présentent à l’homme naturel : d’une part la nature très-féconde, jamais lasse de produire et jamais ingrate, si ce n’est quand elle y est forcée par l’inclémence des saisons ou par des accidents qu’on ne peut prévoir ; de l’autre une petite portion d’hommes qui jouissent seuls de ses bienfaits, et plus de dix mille malheureux pour un seul homme à son aise ou dans l’abondance.

Cet article est enfermé dans un crochet à l’encre, et quelques passages sont, en outre, marqués par des crochets particuliers. Au bas on lit cette annotation, qui s’adressait probablement au censeur, à qui l’épreuve était envoyée : « J’ai engagé M. de Q. à supprimer toute cette tirade.»

Au numéro sont joints deux billets manuscrits. Le premier, écrit au nom de l’imprimeur, est ainsi conçu :

M. Delatour présente ses très-humbles civilités à monsieur de Querlon, et lui observe qu’il serait nécessaire de supprimer ou