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l’auteur des premiers journaux publiés en France, M. de Sallo, l’idée de ce genre d’ouvrage qui met à contribution tous les autres. Mais notre premier journaliste, voyant la facilité qu’on avait de se procurer des livres depuis que l’imprimerie était inventée, n’avait garde de modeler ses extraits sur ceux de Photius. Son but n’était que d’indiquer les ouvrages, et de courtes notices où il s’attachait seulement à les caractériser suffisaient aux gens de lettres. L’abbé Gallois, successeur de Sallo, crut mieux remplir toute l’idée du Journal des Savants en allongeant considérablement ses extraits ; et le président Cousin, qui vint après lui, plus prolixe encore, y donna la majestueuse étendue qu’ils ont conservée dans ce journal et dans tous ceux qui l’ont suivi.

Le motif qui fait allonger ces extraits serait-il donc encore de tenir lieu des livres mêmes à ceux qui ne peuvent se les procurer aisément, ou de nous dispenser de les lire ? On voit, en tout cas, qu’ils produisent l’un ou l’autre effet pour beaucoup de personnes ; mais il y a deux inconvénients : 1o Ces extraits, quelque bien faits qu’ils puissent être, ne représentent pas toujours fort exactement certains ouvrages, dont il faut avoir vu l’ensemble, et souvent ce qui peut le moins être extrait, pour bien les connaître. On n’est donc pas toujours instruit autant qu’il faudrait l’être, même en lisant tous les journaux, qui diffèrent peu, si ce n’est par la forme, pour bien juger d’un ouvrage. 2o Ces journaux sont devenus eux-mêmes et deviennent de jour en jour si volumineux, qu’ils formeraient seuls une nombreuse bibliothèque, où l’on aurait toujours à désirer les ouvrages qu’il est intéressant d’avoir en nature. Si le but de ces longs extraits est de former le jugement des lecteurs, n’est-il pas à craindre pour nous que le journaliste, en voulant nous apprendre, en homme pratique, la manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit et autres, ne nous donne que sa manière de penser, de voir, de juger ? Et qui nous garantira que c’est la meilleure ?

Je n’ai garde de m’élever contre la multitude des journaux. Plus il y a de concurrence et de choix dans le débit d’une denrée,