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Et je n’ai pas encor contre leur sot Mercure
Décoché dans mes vers quelques traits de censure !

Ah ! c’est trop attendu, mon silence est suspect ;
Il est temps de bannir un frivole respect.
Si le nom de Louis qui pare leur volume
A pu jusques ici mettre un frein à ma plume,
Las de le voir en proie à ce couple ignorant,
Je me laisse entraîner et je cède au torrent.

Vient-il de la province un ouvrage insipide,
Dût-il déshonorer les faits de notre Alcide,
Si l’écu neuf le suit, il trouve un doux accueil
Et tiendra le haut bout dans le fade recueil.

C’est là que tous les mois la basse académie
Se montre ouvertement du bon sens ennemie,
C’est là que Longepierre, enflant son chalumeau,
Croit chanter comme un cygne et croasse en corbeau,
Et c’est là que Le Clerc, De Vins et ses semblables
Par le plus sot lecteur se font donner aux diables.

Après quelques sonnets, impromptus, madrigaux,
Le Mercure s’étend sur les livres nouveaux,
Et, prodiguant l’encens au flatteur mercenaire,
Il porte jusqu’aux cieux l’auteur le plus vulgaire.
Le conte vient ensuite, où d’un ton doucereux
De Visé fait parler des amants langoureux.
Si l’on était encore aux siècles des fleurettes,
Il pourrait divertir par ses historiettes ;
Mais par malheur pour lui le temps en est passé,
Et pour prendre une place on va droit au fossé.
Ainsi, sans s’arrêter à l’amoureuse histoire,
L’on passe tout d’un coup jusqu’aux chansons à boire,
Dont les airs, très-souvent aussi durs que les vers,
Forment en les chantant les plus aigres concerts.