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cendres d’un oubly éternel toutes tes œuvres et tes productions. Tu vois que ta Gazette ne marche plus, que le peuple aussi bien que les curieux sont desabusez de tes impostures ; tu veux l’aller debiter à la cour, où ta personne et tes mensonges seront toujours bien reçeus tant que Mazarin vivra. Marche, haste-toy, on te pourroit icy couper les oreilles après que le feu t’a brûlé le nez. Mais pren garde ou de ne rien écrire contre le généreux duc de Beaufort, ou de ne plus retourner icy, car, sans doute, on t’y jouëroit mauvais party.

On tient pour assuré que le cardinal te demande avec instance, et il se persuade que tu luy rendras deux bons offices : il attend ce service de ta courtoisie, et se promet de ta fidélité tout ce qu’il peut esperer d’un honneste homme comme tu es. Le premier sera de tant dire de bien de luy, de mander si souvent qu’il n’a autre dessein que de rendre le roy puissant et glorieux, que de rendre les peuples heureux et la France victorieuse, que de procurer une paix generale, que d’exterminer la race des monopoleurs et d’abolir les maudites inventions qui ruinent les sujets sans enrichir le domaine du roy, qu’à la fin les peuples, vaincus par ces fausses persuasions, seront contrains de changer d’opinion et de croire Mazarin l’auteur et l’appuy de leur fortune, bien que son ame malicieuse et damnée ne medite que des vengeances et des cruautez. Ce perfide t’envoye donc querir pour le justifier ! Mais je croy que tu auras bien de la peine à le faire, qu’un méchant ne sçauroit guère obliger un autre méchant, et que les peuples ne sont aucunement disposez à donner créance, ny à ce que tu diras, ny à ce que fera Mazarin.

Le second service qu’il pretend de vous, c’est qu’etant en cour, vous instruisiez ses nièces à faire de si beaux complimens, qu’elles puissent enfin, par leurs discours, attraper quelques princes et les obliger à les prendre pour femmes. Mais prenez garde que les dames de France qui y sont intéressées ne vous fassent dancer quelque cabriole.

Surtout, pour aller à Compiègne, ne vous servez pas de la monture de votre servante : elle jure qu’elle est bien lasse de vous porter, et qu’elle ayme mieux boire au Robinet ; elle ne