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nement était un peu dans la position d’un homme qui se noie. Il avait bien compris le danger dont l’œuvre encyclopédique menaçait les institutions sur lesquelles il reposait, il avait voulu l’étouffer dans son germe : la force lui avait manqué, et il avait à peu près laissé faire ; mais, se sentant entraîné par le torrent, il s’accrochait à toutes les branches ; il acceptait comme auxiliaires, sans trop aller au fond de leur moralité, tous ceux qui se posaient en champions du trône et de l’autel, comme on disait dès lors ; il tolérait, il encourageait les journaux qui réagissaient contre le parti philosophique, s’aveuglant sur les périls que cette lutte portait en elle-même. Il croyait avoir tout sauvé en mettant les personnes hors de la discussion, et encore n’y réussit-il pas : la critique, bannie des journaux autorisés, se réfugia dans les journaux clandestins, qui déjouaient avec une audace vraiment inouïe toutes les poursuites de la police ; elle se fit satire, épigramme, chanson ; elle revêtit toutes les formes enfin, et l’on vit, sous ce rapport, comme une nouvelle Fronde, mais infiniment plus spirituelle, et aussi, disons-le, plus libertine.


Ce simple exposé suffira pour donner une idée de ce que fut la presse avant la Révolution, et, peut-être, une idée plus avantageuse que celle que l’on