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dot, qui, fatigué de s’entendre ainsi, publiquement et sans relâche, invectiver par le sarcastique docteur, lui intenta un procès ; mais il le perdit, et Patin, qui s’était défendu lui-même, en triomphe avec toute sa verve et son orgueil :

« Pour le Gazetier, jamais son nez ne fut accommodé comme je l’ai accommodé le 14 d’août de l’an passé aux Requêtes de l’Hôtel, en présence de quatre mille personnes. Ce qui m’en fâche, c’est que habet frontem meretricis, nescit erubescere. On n’a jamais vu une application si heureuse que celle de saint Jérôme, epistola 100, ad Bonasium, contre le nebulo et blatero : car voilà les deux mots dont il me fit procès, qui est néanmoins une qualité qu’il s’est acquise par arrêt solennellement donné en l’audience. Je n’avais rien écrit de mon plaidoyer, et parlai sur-le-champ, par cœur, près de sept quarts d’heure. » (Lettre du 12 août 1643.)


Quatre ans après, il revient avec complaisance sur cette victoire, et en parle comme s’il était encore au lendemain :

« Mon plaidoyer contre le Gazetier n’est pas écrit ; depuis cinq ans passés, je n’en ai eu aucun loisir. Je le fis sur-le-champ, sans l’avoir médité, et sans en avoir jamais écrit une ligne. Deux avocats qui venaient de plaider contre moi, l’un au nom du Gazetier, et l’autre au nom de La Brosse, me mirent en humeur de faire mieux qu’eux et de dire de meilleures choses. L’un ni l’autre ne purent prouver que nebulo et blatero fussent termes injurieux. Ils me donnèrent si beau champ que leurs faibles raisons servirent à me justifier aussi bien que toute l’éloquence du monde, et mon innocence me fit obtenir si favorable audience que j’eus tout l’auditoire et tous les juges pour moi, et censorem, et curiam, et quirites. » (Lettre du 22 août 1647.)