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xiv
introduction

de la justice, que ces princes auraient violé systématiquement et avec éclat les prohibitions les plus strictes et les plus importantes du code de leur religion !
Ce n’étaient pas seulement les rois de Perse qui méconnaissaient ainsi les lois du Vendidâd, tous les Perses agissaient de même (Voy. Herod. I, 140.). Ne serait-ce point une dérision sans exemple que cette exhortation à la piété, écrite sur une tombe royale, véritable monument du mépris des lois religieuses ? (N. R. a. 56-60.)
On en vient nécessairement à cette conséquence, si l'on soutient que la Perse de Darius était déjà soumise aux lois de l’Avesta.
Passons aux témoignages des auteurs anciens ; nous ne les trouverons pas plus favorables à cette thèse que les monuments de la Perse. Remarquons d’abord qu’ayant le ive siècle av. J.-C. Il n’est fait mention de Zoroastre ou de l’Avesta que dans des documents apocryphes. Les passages attribués à Xanthus de Lydie ne sont évidemment pas de lui ; cela a déjà été démontré par des raisons philologiques. À ces preuves vient se joindre ce fait significatif qu'Hérodote[1], disciple de ce Xanthus, ne sait rien des prétendues œuvres de son maitre, ni des faits qui y sont relatés. Le passage du premier Alcibiade (122, a) où il est dit que l'héritier du trône de Perse apprend la μαγείαν Ζωροἀστϱου a été justement rejeté. Les erreurs qu'il contient, la division systématique des précepteurs royaux qui rappelle le procédé romantique de la Cyropédie[2], cette parenthèse explicative insolite (ἐστὶ δὲ τοὔτο, etc.), le ton général du morceau, l'ont fait, à bon droit, déclarer indigne de Platon.
Tout y semble contraire à la vérité ; ce n’était point certainement sous les rois corrompus de I’époque de Platon que cette éducation virile se donnait au palais de Persépolis. L’Alcibiade, du reste, est seul en ses affirmations. Xénophon, qui prête avec complaisance des actes religieux à son héros, ne sait rien de cette éducation zoroastrique ni du quadruple préceptorat des princes persans. Ce que selon la Cyropédie, on enseigne à la jeunesse, c’est la justice, (διάγουσι μανδάνοντες διαϰοσύνην) la tempérance, I’obéissance aux magistrats et la sobriété. Les exhortations à la piété que Cambyse prodigue à Cyrus au chap. VI du livre I (1-6), ne contiennent absolument rien qui puisse faire supposer la connaissance la plus élémentaire des doctrines avestiques. D'autre part Hérodote nous apprend que la jeunesse persane n'apprend que trois choses : aller à cheval, tirer de l'arc et dire la vérité[3]. On pourrait croire, peut-être, que le peuple persan, différent en cela de ses princes, reconnaissait et pratiquait l’Avesta. Ce serait plus erroné encore. Ce qu’étaient les croyances de ce peuple aux temps des premiers Achéménides nous le savons par Hérodote ; le point est assez important pour que nous reproduisions en entier le passage qui traite de ce sujet.
« Les Perses, dit l’historien grec, n’ont point en usage d'élever des statues (de Dieux), ni des temples, ni des autels ; ils taxent de folie ceux qui le font, parce que, ce me semble, ils ne pensent pas que les dieux aient une forme comme (le croient) les Grecs. Pour eux, ils ont coutume de se transporter sur le sommet des montagnes pour offrir des sacrifices à Zeus ; et ils appellent Zeus, la voute entière du ciel. Ils
  1. Voy. Athénée, XII, 515. Ηροδότῳ τὰς ἀφορμὰς εδωκότος. (Extrait d'Euphore, vers 400.)
  2. Cyr. I, II, 6. Σωφφοσύνην… πείθεσθαι τοἴς ἄρχουσι… ἐγϰϱατειν γαστϱὸς ϰαἰ ποτοὔ id. 8).
  3. ἲϰϰεύεν, τοξεύειν ϰαί ἁληθίζεσθαι. L.I, 186.