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LE SETUBAL

— Une torpille ! Est-ce qu’il voudrait ?… J’étais debout sur mon banc, pour voir plus loin.

Le torpilleur entrait dans l’ombre du Setubal. Je crois que j’ai poussé un hurlement d’appel.

L’homme de quart a crié : « Qui vive ? »

Sans doute, il avait vu venir ce torpilleur sans feux. Il a crié une seule fois et il a tiré un coup de carabine.

À la proue du cuirassé, j’ai vu une houle, et le torpilleur faisait machine arrière. J’ai encore entendu des commandements à bord du Setubal, et j’ai vu des silhouettes qui couraient sur le pont. Et puis, une grande lumière, et une gerbe d’eau en feu, des fumées rondes, avec une détonation terrible !

Tout tremblait ; notre canot a roulé, et j’étais dans la mer.

J’ai entendu, dans l’eau, une seconde détonation, plus près, et j’ai reçu un coup dans la jambe, même qu’il m’a cassé l’os.

Quand j’ai sorti la tête, j’ai aperçu l’avant du Setubal qui se relevait, preuve que notre cuirassé coulait par l’arrière. La mer était