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LA PEUR

plus : à force de souffrir, je ne sentais plus rien.

Je crois que j’ai été mort une fois, et je crois que ces messieurs m’ont ressuscité : ils me soufflaient du vent dans la gorge, avec un tube, et ils criaient :

— Bravo ! Ça marche ! Nous le ranimerons !

Ils se réjouissaient de me voir revivre, ce qui prouve qu’ils ne sont pas méchants. Mais moi, je ne demandais qu’à rester mort, et je l’aurais bien dit, si j’avais pu.

Ils étaient si heureux de m’avoir remis vivant, qu’ils gambadaient autour de moi en chantant : « Resurrexit… xit… xit !… »

Puis, ils détendirent mes courroies, pour me descendre jusqu’au sol et voir comment je me tiendrais debout sur mes quatre moignons, et ils me criaient gentiment :

— Hue, cocotte !

J’essayai de remuer les jambes par obéissance ; mais mes jambes ne savaient plus bouger. Je m’écroulais, et il fallut me retenir en l’air, avec les courroies.

Alors, un des jeunes messieurs déclara qu’on avait assez travaillé, et que la nuit