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LA BOMBE

Aussi ai-je une figure aimable quand je m’approche de lui, en éployant une serviette, et je dis en manière d’excuse :

— Deux minutes…

Je pose le linge sur son visage. Mais puisque j’ai parlé, il daigne parler à son tour et, sous son voile, il crie avec courroux :

— Enlève ça !

— Deux minutes seulement.

— Ces gamineries ont trop duré ! Enlève ça !

Je ne réponds pas, car ma tâche exige à présent plus d’attention que jamais : il s’agit d’enfourner les trois bombes dans les trois vases, et la moindre inadvertance causerait une catastrophe… Voilà qui est fait. Mon anarchiste respire avec une difficulté croissante ; il souffle, mais ne souffle mot : assurément, il se tient pour déshonoré, sous son linge sale, mais il se tient, quoiqu’il rage de plus en plus ; il patiente. Je suis ravi : je dispose en un beau désordre, au milieu du laboratoire, les trois cruches où sont mes bombes, et celle qui contient l’eau. De-ci, de-là, je disperse sur le sol nos chaises, nos escabeaux, le balai, une canne, un pavé qui