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LA PEUR

niers jours ! Croyez-moi si vous pouvez, et si vous comprenez : je ne les détestais presque plus, depuis qu’ils étaient sous ma griffe. Je me suis souvent reproché ces heures d’entraînement comme une trahison vis-à-vis des deux mortes ; c’était plus fort que moi : j’étais trop plein de mon bonheur, trop enivré de ma victoire sûre, et tout le reste s’estompait. Le chat qui guette la souris est sévère devant le trou qu’il garde, et son impatience le hérisse ; mais, après le premier coup de croc, quand il tient sa proie, il s’amuse. Je m’amusais ! Ils étaient déjà dans leur mort, et je jouais avec cette double agonie, très lente et très propre, dont les agonisants n’avaient pas conscience, et que j’étais seul à connaître, à contempler, à prolonger : un spectacle pour moi seul, de ces deux trépassés qui persistaient à se croire des vivants, et qui disposaient l’avenir !… J’ai passé à Genève les meilleures journées de ma jeunesse ; les dernières aussi, puisque le sacrifice était fait de ma vie comme des deux autres.

Nous partîmes enfin.

Le retour fut charmant. Toute suspicion