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LA BOMBE

seraient ou non utilisables. La demeure de Blasquez se révéla riche en promesses : il y vivait dans une sorte de réclusion, avec une vieille servante, idiote et presque sourde ; il ne sortait que fort peu dans la ville, et passait la majeure partie de ses journées dans des caves dont il était fier, parce qu’il les tenait pour un asile inviolable.

Il m’y emmena : imaginez une enfilade de cryptes, une cité souterraine qui s’étalait en dédale de chambres communicantes, des voûtes décorées de nervures, des colonnes engagées avec leurs chapiteaux, des ogives sous lesquelles on passait d’une salle dans l’autre, des portes en chêne massif armées de pentures en fer ; par centaines, des radicelles pendaient d’entre les pierres comme des serpents accrochés au plafond, et nous léchaient les joues de leurs petites langues froides.

Blasquez riait.

— Tu vois, nous sommes sous le jardin : les racines essaient de rejoindre la terre ; ça ne te fait pas pitié, ces pauvres racines ?

— Si, si.

L’air était opaque, l’obscurité gluante ; les