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LA PEUR

pour constater une présence animée dans notre atmosphère de sépulcre, pour sentir autour de moi quelque vague vibration qui m’escortât du moins pendant mes dernières heures, pour ne pas mourir seul, je me remis à crier, d’instant en instant ; et, crier, c’était presque fuir !

Quand l’aube reparut, mon souffle était plus fort, ma voix sonnait mieux : déjà, elle devait aller jusqu’au fond de la chambre ; mais je n’aurais pas su articuler une parole. La lumière croissait : je revis Berthe à côté de moi.

Je la discernais mal, dans la trouble clarté du jour qui point, mais je la voyais toute, mes yeux ayant réappris à évoluer dans l’orbite. Je distinguai d’abord un ventre énorme ; on eut dit qu’il sortait d’un brouillard… Exactement, elle était sur le lit comme un noyé sur l’eau, un noyé, dans le matin, avec des brumes.

Et le plein jour se fit. Le soleil entra.

Berthe ! Ça, c’est Berthe ! Ce ventre verdissant, qui se ballonnait, un sein marbré, pendant comme une gourde d’eau sale et l’autre sein aplati, une face torve et vis-