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LE PRISONNIER DE SON ŒUVRE

le jardin pour entrer dans la maison close, c’était folie, et j’allais mourir là, d’horreur, de faim, de soif, minute par minute.

Pendant des heures, j’ai poussé mes cris muets, au-dessus du cadavre. Une odeur nauséabonde sortait de sa bouche ouverte pour emplir ma bouche ouverte.

— Nous devons être là depuis longtemps, puisqu’elle se décompose. Un jour ? Deux jours ?

Le soir tomba. La nuit, du moins, me cacha cette face, et je ne la constatais plus que par sa puanteur.

— Oh ! que j’ai mal ! Combien de temps ça pourra-t-il durer, avant que je trépasse ?

J’ai dû m’évanouir de nouveau, car la nuit fut relativement brève.

J’en éprouvai d’ailleurs un soulagement : lorsque le jour parut, je souffrais un peu moins. Mais la bouche de Berthe était plus horrible que la veille.

— Vais-je donc en réchapper ?

Je crus m’apercevoir que plusieurs de mes muscles consentaient au travail… Oui, je respirais mieux. Mon cœur battait un peu plus fort… J’avais très froid.