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LA PEUR

comme on remue avec un bâton la vase d’une source, et je ne voyais que du trouble ! Mon corps écrasant son corps, et les mains derrière sa nuque, je serrais entre mes doigts sa petite tête en os chevelus, pour en faire jaillir la vérité, et j’attendais la vérité à la sortie de ses prunelles. Ah ! le trou noir d’où rien ne sort, la petite boîte en os qui garde son secret ! On tient la vérité, là, dans la main, on peut la peser et l’étreindre, et l’on peut fracasser la frêle cassette où elle s’enferme, rien qu’en serrant un peu ; mais, la vérité, on ne la verra jamais !

Berthe riait :

— Que tu es drôle…

Son rire m’entrait en tiédeur dans la bouche, en brouillard dans les yeux, et je pleurais dans ses baisers, tandis qu’elle riait dans les miens.

Bien sûr, elle jouissait de mes soupçons et elle y prenait un plaisir que ma simple ignorance ne lui eut jamais procuré. Mon amour ne l’ennuyait plus, depuis qu’elle sentait en moi l’angoisse de partager son corps avec un autre, et la hantise de ce partage. Quand mes mains, quand mes lèvres cherchaient sur elle