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LA PEUR

blanche, accompagnée d’une détonation : le petit boucher, avant de s’enfuir, avait tiré sur moi un coup de revolver. Il disparut dans le brouillard, et je me crus mort. Alors seulement j’entendis les pas des agents. Ils m’empoignèrent brutalement. J’ai eu le temps de crier : « Grâce ! ce n’est pas moi ! » Mais je fus tout de suite étourdi de coups. On m’enleva, et je n’eus presque pas à marcher : on ne croirait guère, à voir les sergents de ville, qu’ils sont si forts ; quand ils vous tiennent par le bras, ils vous soulèvent et vous font trotter, si bien que vous ne sentez plus le poids de votre corps. Arrivé au poste, j’ai raconté le drame du pont et comment j’avais reconnu, dans mon agresseur, le petit garçon boucher. On m’a tout de même gardé au poste. Pourvu que je ne passe pas en justice ! Je perdrais ma place. Ces choses-là n’arrivent qu’à moi.

6 octobre. — Le commissaire est un bien honnête homme, qui m’a cru tout de suite. Il m’a fait relâcher ; j’ai pu courir à ma chambre, me changer et arriver au bureau avant que le chef ait constaté mon retard. L’ennui, c’est que je vais sûrement être