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introduction générale

peut les en faire soupçonner. Reconnaissons de bonne foi que ceux-là même peuvent être guidés par des intentions pures ; reconnaissons qu’une grande partie des oppositions qu’on a vu et qu’on verra naître, tient à des motifs innocents, sinon respectables ; ce sont les erreurs d’esprits loyaux égarés par des défiances et par des craintes préconçues. Tant de causes puissantes concourent à fausser le jugement, que nous avons vu des hommes sages et vertueux adopter aussi souvent l’erreur que la vérité, sur les questions les plus importantes pour la société.

Cette observation serait bien faite pour inspirer de la modération à ces hommes toujours parfaitement convaincus, en toute discussion, de l’infaillibilité de leur opinion. Un autre motif de circonspection, c’est que nous ne sommes pas toujours sûrs que ceux qui plaident pour la vérité, soient guidés par des motifs plus purs que leurs adversaires. L’ambition, l’avarice, l’animosité personnelle, l’esprit de parti et d’autres motifs aussi peu louables peuvent agir sur les défenseurs de la bonne cause, comme sur ses ennemis. Indépendamment de ces motifs de modération, rien n’est plus absurde que l’esprit d’intolérance qui a, dans tous les temps, caractérisé les partis politiques. En politique comme en religion, on ne fait point de prosélytes par le fer et par le feu. Dans l’une et dans l’autre, on guérit rarement de l’hérésie par la persécution.

Quelque justes que ces sentiments doivent paraître à des esprits impartiaux, nous n’avons déjà que trop d’indices qu’il arrivera ici ce qui est arrivé dans toutes les grandes discussions nationales. Le torrent de l’animosité et des passions malfaisantes n’aura plus de digue. À en juger par la conduite des partis opposés, il est facile de conclure