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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

Puis il maudit la guerre, en homme qui l’a vue de près ; seulement, pour exprimer l’axiome : la force prime le droit, il invente une comparaison d’un goût atroce, bien étonnant commentaire du Loup et l’Agneau :

Le droit se cache en guerre, et la bruyante voix
Des armes et tambours biffe celle des loix.
Ainsi que bastonnant sur deux kaisses ventrues
D’un mouton et d’un loup les dépouilles tendues,
L’aboy du loup romt l’autre et le ton du mouton
Entendant l’ennemy perd avorton son ton[1].

Il est mieux inspiré — si ce mot sied à un simple imitateur — dans la leçon qu’il donne aux princes ambitieux, qui engagent leur pays dans de belliqueuses aventures.

Sur ces entrefaites, et pendant qu’il philosophe, il rencontre un saint ermite, qui,

Macilent[2] et barbu, dedans un petit toit,
Sur le faiste Apollin de Soracte vivoit…

Le vieillard a de bien profondes pensées sur la justice de Dieu, sur l’immortalité de l’âme. À en-

  1. Dans les Notices de M. A. de la Borderie sur les anciens imprimeurs bretons, publiées dans le Bibliophile breton (Rennes, Plihon, 1883), je relève une citation du Traité de la briefve vie des princes, du médecin spagirique Roch Le Baillif, sieur de la Rivière ( ?). C’est, comme ici, le tableau de la haine du boyau de loup contre le boyau de mouton : « Il est impossible accorder ni mettre à uny-son sur un instrument de musique une corde faicte de boyau de loup avec celle de mouton ou de brebis : un tambour à peau de loup faict casser ceux de mouton près desquels il est battu et semble leur humer le ton. »
  2. Macilent, mot tout latin ; macilenlus, maigre.