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ALEXANDRE DE RIVIÈRE

Et du suant Midy jusqu’au froid Aquilon,
Craignent mon nom terrible, et cet acier felon ;
Je n’ay discrétion de roture ou noblesse…

La Mort ne ménage pas la noblesse ; les prétentions, les injustices de celle-ci trouvent un censeur rigide dans la Muse du poète, sa Calliope, qui intervient alors, et apostrophe les nobles indignes en termes que Juvénal et Boileau n’eussent pas désavoués ; eh quoi ! un misérable, un Chelme (vieux mot qui signifie rebelle et qui est dans la Satire Ménippée), un Ravaillac, pourraient être tenus nobles à cause de leurs ancêtres !

Pourquoy plus te déplaist parmy ton blé l’yvraye,
Ou le faux quart d’écu blanchy de vif argent,
Le gros et mauvais pain, le falsaire sergent,
Et tout ce qui est faux, qu’estre faucement noble,
A l’écusson d’azur, de gueule ou de sinople ?…
Ce n’est doncque le sang, l’or, ny l’azur, en somme,
Ny l’écusson tymbré qui te fait gentilhomme,
C’est la belle vertu…

Montre-toi digne des aïeux, à qui leur courage, leur talent, ont mérité la noblesse, sinon, tu es noble au même titre que le Pasquil de Rome[1].

Rivière est en veine de hardiesse ; après la noblesse c’est à la justice qu’il s’en prend, lui magistrat, et il s’écrie :

Les gibets ne sont faits que pour les malheureux,
Les autres sont absous, quoi qu’il y ait contre eux.

  1. C’est la Statue surnommée Pasquin, adossée aujourd’hui au palais Braschi, sur la place Navone, et à laquelle les railleurs romains attachent, depuis quatre siècles, des libelles satiriques.