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L’ABBÉ DE FRANCHEVILLE

En cela vous devez estimer ma franchise ;
Un chacun le sçait bien et ne vous en dit mot.

Cela respire peu la charité chrétienne : on ne pense guère à l’abbé et l’on dirait, au contraire, d’un jeune cavalier qui manie fort agréablement la cravache. Que sera-ce donc, si nous citons les stances suivantes, adressées à une belle qui ne voulait céder son cœur qu’au prix de dix mille livres sonnantes ? Je n’hésite pas à la citer presque tout entière, car elle est caractéristique et nous révèle des traits de mœurs assez inattendus :

Stances

Comment diable, après quatre mois
Que je soupire sous vos loix,
Et que je brusle pour vos charmes,
Il faut qu’à moy, pauvre indigent,
Outre des soupirs et des larmes,
Il couste encore de l’argent ?

Vous ne vous payez point de cœurs ;
En vain on vous parle de pleurs,
De feux, d’amour et l’esclavage,
Car enfin sur tous ces bijoux,
Si l’on vouloit les mettre en gage,
Vous ne presteriez pas deux sous.

J’advois adverty mes désirs,
Que par des vers et des soupirs
Ils pouvoient trouver une voye
Pour devant vous se présenter ;
Et de fait, en cette monnoye,
J’aurois de quoy vous contenter.