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CATHERINE DESCARTES

Je devois bien pour vous quitter ces climats sombres,
Où loin de la lumière errent les pâles ombres.
Quelqu’espace entre nous que mette le trépas,
Pour être auprès de vous que n’entreprend-on pas ?
Je n’ai pu vous entendre estimer mes ouvrages,
Et vous voir chaque jour en feuilleter les pages,
Sans sentir en mon cœur tout ce qu’on peut sentir,
Dans le séjour glacé dont je viens de partir.
Depuis que de mes jours j’ai vu couper la trame,
Aucun autre plaisir n’avoit touché mon âme ;
J’apprenois, il est vrai, que plusieurs grands esprits
Lisoient avec estime et goûtoient mes écrits ;
Mais je voyois toujours régner cette science,
Ou plutôt cette fière et pénible ignorance,
Par qui d’un vain savoir, placé mal à propos,
Un esprit s’accoutume à se payer de mots.
Partout cette orgueilleuse, avec son Aristote,
Des savants de ce temps est encor la marotte,
Tout ce qu’on dit contre elle est une nouveauté,
Et sans autre examen doit être rejeté
Comme si les erreurs, où furent les grands hommes,
Méritoient du respect, dans le siècle où nous sommes,
Et cessant d’être erreur par leur antiquité,
Avoient enfin prescrit[1] contre la vérité !
Mais je sens que bientôt ce temps va disparaître,
Bientôt tous les savants me vont avoir pour maître,
Tous suivront votre exemple, et par vous, quelque jour,
J’aurai de mon côté la Sorbonne et la Cour ;
Ces grandes vérités, qui parurent nouvelles,
Paroîtront désormais claires, solides, belles ;
Tel docteur, qui, sans vous, n’auroit jamais cédé,
Dès que vous parlerez sera persuadé ;
Quand la vérité sort d’une bouche si belle,

  1. Devaient avoir raison.