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JEAN BARRIN DE LA GALISSONNIÈRE

réimprimée moins de quinze fois pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle : les Elzévirs, Pierre Marteau de Cologne, Michel Rey d’Amsterdam, les Cazin, s’en emparèrent successivement. Les vers de Barrin justifient ce haut renom ; s’ils ne suivent pas de très près le texte d’Ovide, ils sont remarquables par l’harmonie, l’élégance, un tour aisé et leste qui séduit. Un peu embarrassé — et pour cause — sur le chapitre des citations, trouvant presque partout des vers très bien frappés, mais d’un accent un peu trop vif, je me décide à faire à la quinzième élégie l’emprunt suivant, dont personne ne pourra prendre ombrage :

Il n’est ni bois, ni fer, que le temps ne terrasse ;
Les membres sont sujets à pareille disgrâce ;
Mais la mort a borné son pouvoir rigoureux
Jusques à respecter le langage des Dieux.
Les rois doivent céder à ce bel art d’écrire,
Quatre vers bien tournés valent mieux qu’un empire ;
Et tout l’or que le Tage enferme sous ses eaux
Ne peut d’un bel esprit égaler les travaux.
Qu’on soupire ici-bas pour un éclat vulgaire,
J’ai le cœur moins rampant, et l’âme moins grossière
Et si, pour m’engager, je veux choisir un roi,
Tout autre qu’Apollon est indigne de moi.
Lorsque, mon tour venu, je quitterai la vie,
Je laisserai de moi la meilleure partie ;
Mes écrits de la mort braveront la rigueur,
Et j’attends le trépas pour vivre avec honneur.

L’homme qui a écrit cette période, pleine d’ampleur et de fermeté, n’était assurément pas le premier ver-