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PHILIPPE LE NOIR

Le changement qu’il voit luy rafraîchit l’idée,
Que durant son absence il avoit bien gardée ;
Il partage son cœur et son entendement,
L’un à la volupté, l’autre à l’étonnement.(Ch. VII.)

Bien qu’il y ait dans les vers de Le Noir un souffle un peu trop égal, une cadence un peu trop réglée, le style n’est pas dénué de tout mérite : il a des traits heureux, et un certain bonheur d’expression, notamment dans ce portrait de saint Jean, qui m’a fait, Dieu me pardonne ! songer au paysan du Danube de La Fontaine :

Le divin précurseur, le fameux Jean-Baptiste,
Que je me représente austère, grave et triste,
Estoit dans le désert, logeoit sous des rameaux,
Et se couvroit d’un drap fait de poils de chameaux.
Un cuir épais et fort luy servoit de ceinture,
Et les vers sautelans estoient sa nourriture,
Avec le simple miel qu’il s’en alloit chercher

Dans le creux de quelque arbre ou de quelque rocher.
(Ch. III.)

On aura une idée complète du talent et de la manière de Le Noir, si l’on rapproche de ces familiarités poétiques quelqu’une des touchantes effusions qui s’échappent de son âme attendrie. De ce nombre sont l’Apostrophe aux prédicateurs, qui ouvre le quatrième chant du poème, et la conclusion même de l’ouvrage ; cette conclusion, éloquente dans sa simplicité, sera ma dernière citation :

Ô grand Emanuel, autheur de l’univers,
Voy d’un œil favorable et mon zèle et mes vers.