Page:Halgan - Anthologie des poetes bretons du 17e.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
PHILIPPE LE NOIR

admirables paraboles évangéliques, empruntent à la peinture des mœurs du temps, à des souvenirs de l’auteur, un charme naïf, une saveur piquante. J’ai relevé au passage, et suis heureux de reproduire deux de ces comparaisons ; la première nous attendrit presque sur le sort d’un criminel repentant, (honest murderer, dirait Shakspeare) :

Ne vistes-vous jamais un pauvre criminel,
À la mort condamné par arrest solennel,
Et que l’exécuteur de la haute justice
Traîne d’un noir cachot dans le lieu du supplice ?
Dans un si grand mal-heur qui le va poursuivant,
Il ne sçait s’il est mort, ou bien s’il est vivant ;
De deux costez divers il sent son âme atteinte,
Son cœur ne sent pas moins le désir que la crainte ;
Il craint d’aller mourir, et désire ardemment
D’avoir déjà passé ce funeste moment ;
S’il s’est bien repenty, la tristesse et la joye
Sont deux mers, où son âme et se plonge et se noye ;
Il est triste d’aller au supplice odieux,
Et ravy que son âme aille monter aux cieux. (Ch. I.)

La seconde comparaison peint au vif l’état d’esprit d’un voyageur, au retour de ces pays lointains, dont l’imagination et les récits d’alors grandissaient encore l’éloignement :

Comme un homme affligé, qu’un fascheux accident
A fait aller par force aux Indes d’Occident
Enfin, las du climat et de l’idolâtrie,
Fait tant qu’il vient revoir sa très chère patrie :
Alors tous les objets et connus et nouveaux
Paroissent à ses yeux agréables et beaux ;