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panella. Ces trois penseurs forment un seul groupe ; le sens de leurs idées est le même, malgré les différences caractéristiques qu’ils présentent d’ailleurs. Telesio a influé sur les deux autres. Fils de famille noble, il naquit à Cosenza près de Naples et employa sa situation favorisée par la fortune à faire de vastes études. Après avoir étudié à Milan, il alla à Rome, où il eut à subir des mauvais traitements pendant l’occupation de la ville par les Impériaux commandés par le Connétable de Bourbon. Dans la suite, il alla à Padoue, et c’est là que paraît s’être accomplie en lui la rupture avec Aristote. Ce fut la cause d’une violente opposition entre les écoles italiennes du Nord et du Midi. Alors qu’à Padoue et à Bologne on continuait à révérer Aristote et à jurer plus ou moins aveuglément par ses paroles, on prit dans l’Italie méridionale de nouvelles directions et l’on ouvrit des voies nouvelles en cherchant à bâtir le plus possible sur les sciences naturelles naissantes. Après avoir séjourné à Rome auprès du pape Paul IV, qui l’estimait beaucoup et voulait même le nommer archevêque, Telesio retourna dans l’Italie méridionale. Il fit des cours à Naples et fonda une académie à Cosenza. En 1565 parut la première partie de son chef-d’œuvre De la nature des choses (de rerum natura) ; plus tard (en 1587) parut la partie traitant de l’homme au point de vue psychologique et éthique. Telesio mourut en 1588. Durant ses dernières années, il fut l’objet de violentes attaques de la part des moines qui pensaient que tout allait s’écrouler avec les idées d’Aristote, et peu d’années après sa mort ses œuvres furent inscrites sur la liste des livres interdits.

Telesio oppose sa tendance à celle de tous ses devanciers : dans la grande confiance qu’ils avaient en eux-mêmes, ils auraient voulu approfondir la nature au moyen de la raison, tout comme s’ils eussent été les égaux de Dieu en sagesse ; quant à lui, il est plus modeste ; il ne prétend qu’à la sagesse humaine, laquelle a sa limite dans ce qu’enseignent les sens et dans ce que l’on peut conclure par analogie avec les choses perçues par les sens. Il veut donc s’appuyer sur l’expérience sensible et sur elle seulement. Il croit pouvoir arriver par là à une connaissance plus sûre que celle de ses devanciers. Non ratione, sed sensu ! telle est sa devise. Mais il est convaincu