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la divinité. Il aurait dû logiquement finir par déclarer toutes les idées religieuses symboliques ou mythologiques ; mais en catholique croyant qu’il était il ne pouvait faire ce pas. Dans la docta ignorantia il se tire d’embarras en observant une certaine différence dans les attributs. Bien qu’il faille nier tout attribut à la divinité, la négation des plus grandes imperfections doit nécessairement être « plus vraie » que celle des attributs les plus élevés. Ainsi il doit être plus vrai de dire que Dieu n’est pas pierre, que de dire qu’il n’est pas vie ou esprit ; — et il s’ensuit qu’on peut plus justement appeler Dieu vie ou esprit que de le nommer pierre. Il est clair que si tous les contraires, que la divinité renferme comme étant le principe infini, viennent à coïncider — ou à disparaître, la différence la plus grande que nous puissions faire à notre point de vue entre les attributs, n’a plus elle-même qu’une importance absolument infinitésimale. Aussi de Cusa chercha-t-il dans ses écrits suivants des définitions plus positives, en attribuant une importance plus grande à la théologie positive en comparaison de la théologie négative, sans réussir toutefois à vaincre les difficultés qu’il avait lui-même signalées. —

Les idées fondamentales de Nicolas de Cusa s’appliquent à plusieurs points, très importants, de la connaissance de la nature. En supprimant à force de transitions les contradictions absolues, il est amené à découvrir la relativité de nos idées. La loi de relation dans la théorie de la connaissance a en lui un de ses premiers représentants. Ainsi il affirme par exemple la relativité de la notion d’atome. Par la pensée, dit-il, nous pouvons continuer à l’infini la division des choses ; mais la division réelle s’arrête toujours à une partie, qui, de fait, est pour nous indivisible. Une grandeur semblable, indivisible en fait à cause de sa petitesse, est un atome. Cet arrêt effectif n’est donc pas une preuve qu’on atteint un minimum absolu, pas plus que l’arrêt de la sommation de grandeurs n’est la preuve d’un maximum absolu. —

De même qu’une division infinie est impossible dans la réalité, parce que nous nous arrêtons toujours à un certain point du processus de division, de même un mouvement infini est impossible, car chaque corps se heurtera toujours à une résistance