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nie, les ténèbres elles-mêmes sont lumière, de même que le minimum est dans la même échelle que le maximum.

L’École d’Aristote méconnaissait cette vérité, sans laquelle il n’est pas d’accès ouvert à la théologie mystique. Voilà pourquoi elle ne pouvait guère comprendre le dogme de la Trinité ; elle ne voyait pas la nécessité d’un principe pouvant concilier les oppositions exprimées par le Père et par le Fils : spiritus sanctus est nexus infinitus ! aussi n’a-t-elle pas réussi à avoir une connaissance vraie de la nature. Elle s’arrête à la différence entre possibilité et réalité, entre matière et forme, entre l’élément générateur et l’être engendré, sans chercher le lien qui puisse embrasser tous ces contraires et en exprimer l’unité. Ce lien, c’est le mouvement. Le mouvement n’est pas seulement engendré, ou seulement générateur, il est les deux à la fois, et il en est de même également des autres contraires. Ce rapprochement du principe d’unification de la Trinité avec celui de la nature n’est pas chez de Cusa un effet du hasard : le Saint Esprit est le lien de la nature, il fait un avec la nature en tant qu’ensemble de tout ce qui se produit par le mouvement. — Nicolas de Cusa ne fait aucune différence entre coïncidence (coïncidentia), rapprochement (complicatio) et combinaison (connexio) des contraires, bien que les trois expressions désignent des rapports extrêmement différents. Les exemples dont il se sert indiquent d’abord une combinaison des extrêmes au moyen de transitions et de moyens termes et leur rapprochement au moyen de la continuité ainsi réalisée. Mais c’est là quelque chose d’autre que la suppression complète des contraires. La clarté fait complètement défaut sur la nature du concept qui caractérise son point de vue le plus élevé. Et cela tient encore au manque de division mentionné plus haut entre les divers domaines de la connaissance.

Il est particulièrement caractéristique de Nicolas de Cusa que de ses recherches mystiques sur les événements divins il glisse facilement dans les événements naturels, ce qui lui permet de leur appliquer à tous deux les mêmes points de vue. Cependant, il voit clairement que ces deux ordres de faits, la vie de la divinité et la vie de la nature, ne coïncident pas entre eux. Ils sont entre eux comme l’unité fermée (coïncidentia, com-