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Deventer. Plus tard, il cultiva à Padoue la jurisprudence, les mathématiques et la philosophie. Le fond mystique et les problèmes soulevés en lui par cet esprit ne l’abandonnèrent cependant jamais. Un certain temps on put croire qu’il voulait se consacrer entièrement à la vie pratique. Il commença en effet par être avocat, se fit ensuite ecclésiastique et prit une part ardente aux négociations dues à la Réforme de l’Église. Il s’attacha d’abord au Concile de Bâle, puis ne vit par la suite l’unique possibilité de réforme pour l’Église que dans l’affermissement de la Papauté. Nommé évêque de Brixen, il eut à soutenir une âpre lutte contre l’archiduc Sigismond d’Autriche et il fut même quelque temps prisonnier. Pie II l’éleva à la dignité de cardinal et l’envoya en Allemagne visiter les églises et les couvents. Il eut aussi à y triompher d’une violente résistance suscitée par son zèle à réformer les mœurs du clergé et des cloîtres. Il combattit en particulier la superstition d’une manière qui, comparée à son temps, trahit une grande supériorité d’esprit. Il blâmait l’emploi que l’on faisait de la superstition pour des fins d’Église et l’usage des reliques et des hosties sanglantes pour procurer des revenus à l’Église. Il regardait la sorcellerie et la magie comme des restes du paganisme, entretenus justement par les persécutions qu’on leur faisait. Il trouvait que les sorcières sont le plus nombreuses là où l’on croit le plus aux sorcières. Il examina lui-même deux vieilles femmes réputées de sorcellerie ; elles étaient à moitié folles et « ce qu’elles croyaient vraiment avoir vu, le Diable le leur avait inspiré en songe ». — Mais tout en prenant ainsi part aux luttes de l’époque il s’occupait de ses problèmes. La pensée fondamentale du plus intéressant et du plus connu de ses livres De docta ignorantia lui vint, d’après son propre récit, lorsqu’il fit voile de Constantinople, où il était allé de la part du pape, pour retourner en Italie. Une série de livres suivirent, où il perfectionna ou modifia en partie ses idées. Il mourut en 1464 à Livourne, au cours des préparatifs faits en vue de la croisade projetée par son ami Pie II contre les ennemis de la foi, de la science et de la littérature.

De Cusa est à cheval sur la limite qui sépare le Moyen Âge de la Renaissance et la théologie de la philosophie. Son intérêt le plus intime est assurément pour la théologie. La Trinité, voilà