Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’univers, mais qu’il ne fait qu’un avec ce qui s’agite au fond de tout. Il a essayé d’écarter de telles pensées ; puis une grande angoisse et une obsession l’ont poussé à les rechercher encore (L’Aurore au lever, Chap. xix et xxv). Le besoin religieux d’une union intime avec la divinité, ayant supprimé la distance de l’homme à Dieu, se rencontre ici avec le besoin philosophique de trouver le lien de toutes choses, et tous deux se fondent sur la théorie posée par Paracelse, que l’homme se compose des mêmes éléments que l’univers.

Mais Böhme ne se borne pas à considérer la nature dans son état actuel. En lui surgit cette question : comment s’est formé ce monde extérieur, sensible ? pourquoi tout n’est-il pas dans un rapport assez intime et assez harmonieux pour empêcher des doutes comme celui qu’il a subi de se produire ? — Paracelse lui-même, le chimiste et le médecin révolutionnaire, qui a probablement exercé une grande influence sur Böhme, se voit obligé de donner ici des explications ; il enseigne que la diversité des éléments est née à la suite d’un processus de séparation et de division. Böhme s’engage dans cette voie avec sa hardiesse habituelle et elle le mène en même temps à la solution du second problème, qui est aussi le plus sérieux. Mais ce qui pour lui rendait brûlant le problème de l’origine du mal, c’est qu’il ne veut pas savoir Dieu isolé du monde et des âmes et qu’il conçoit leur existence comme partie intégrante de l’existence de Dieu. Pour Böhme le mal consiste précisément en ce qu’on veut se séparer complètement de l’enchaînement du tout, en ce qu’on veut être totalité, quoiqu’étant seulement partie. Telle est l’origine du rude schisme de la nature extérieure, telle est la source de la lutte et du tourment qu’endure le monde.

Böhme discute cette question sous une forme mythologique en se servant d’idées bibliques et alchimiques dans un rapprochement souvent baroque, mais qui souvent aussi offre une poésie grandiose. Il a nettement conscience que cet exposé a une forme mythologique ou symbolique. Il déclare qu’en somme il peut résoudre les grands problèmes qui l’obsèdent, puisque en lui s’agitent le même esprit et les mêmes éléments qui s’agitent et se sont agités de toute éternité dans le monde. En d’au-